Pensées

Bombe Humaine

Chers politiciens, chers miliciens,
Je réclame votre soutien.
Aujourd'hui est l'avant-dernier jour de ma vie.
Je vais renoncer à une existence fanée,
Et je vous propose d'en bénéficier.

Mourir seule est infamie.
Désormais seule survivante de la famille,
Je désire mourir dans un endroit peuplé.
Tel est ma dernière volonté.

Chers croyants, chers militants,
Chers politiciens, chers miliciens,
Je demande votre soutien,
Pour une bravoure qui sera votre bienveillante alliée,
Si vous acceptez de me sponsoriser.

Pauvre hère miséreux et solitaire, j'ai mis ma fierté au vestiaire.
Anciennement propriétaire, depuis lors, orphelin de ces terres ;
J'ai appris à récolter toutes les misères.
A présent, je désire partager ma souffrance avec Lucifer,
Me venger et planter mon couperet dans les entrailles de l'enfer.
Telles sont mes dernières prières.
Je ne tolère plus ni ces flash-back dont je suis prisonnière,
Ni les regards haineux ou les injures délétères.

Chers croyants, chers militants,
Chers politiciens, chers miliciens,
Chers fidèles, chers activistes,
Je demande votre soutien,
Pour une action sans lendemain,
Qui dévoiera un lieu béni en lieu maudit.
J'offre mon corps au désespoir du pays.
Offrez moi donc quelques décilitres de nitro,
Et vos ennemis serviront de dominos,
Sur le terrain de votre haine rageuse et vengeresse.
Décapités ou démembrés, ils savoureront le supplice.

Je démissionne de mon rôle d'humain,
Sans plus de regrets pour cette race de vaurien.
J'aurais voulu être un autre témoin,
Pas forcément celui d'un conte de fées et de lutins ;
Mais peut-être le témoin d'une autre vie : sans canons,
Sans armes collées à la tempe pour nous dresser,
Sans coups de mortiers pour nous assassiner.

Je ne veux plus sentir les gouttes de sueurs perlées,
Le long de mon corps enfermés dans l'effroi et la crainte.
Je n'en veux plus.

Je n'en peux plus,
Des bombardements qui deviennent cris de douleur ;
Des combats qui assassinent des vies tranquilles,
Qui  mutilent un par un les membres de nos clans, de nos familles.
Lent supplice de terreur qui creuse notre rancœur,
Qui pourri notre cœur par trop de larmes et de pleurs.
Je ne connais plus désormais que les creux et la peur.

Mon destin fragile est écrasé par celui de mon pays.
Dernier survivant, je me soumet à ma dernière famille - ma patrie.
Avant que mon âme n'entre en décomposition,
Je lui offrirai ma dépouille en offrande d'une dernière rébellion ;
Pour servir une quelconque religion,
Et qui sait peut-être aussi sauver notre nation.

Notre nation !
Notre religion !

Un éclair éblouissant.
Un bourdonnement violent.
La douleur qui foudroie,
Qui broie tous les sens.
Puis plus rien sauf le silence
Lourd et encombrant.

Ma peau autrefois satinée se trouve à présent tordue et fripée,
Comme un torchon qu'on tenterait en vain d'essorer.
Ma peau vomit ses tripes et déglutit un torrent de sang,
Un liquide cramoisi qui nappe le décor,
D'une triste chaleur de mort.

Devant moi, le plafond béant ouvre sur le ciel bleu,
Paysage pastel qui me rappelle mes vacances d'enfant.
Je marchais le long de la plage, mes pieds dans l'eau salée.
Je me souviens du bredouillage lancinant des goélands.
Devant moi, je redécouvre cet horizon liquide et bleuté,
A mes souvenirs se mêlent à présent l'odeur acide de la mer.

C'est donc ça le salut.

Maintenant que je crève
Vous allez me glorifier
Peut-être même me pleurer
Moi de l'autre côté de cette réalité, je vous observerais
Sans douleur.
Vous n'allez pas me manquer.

Chers croyants, chers militants,
Vous m'avez acculé ;
Chers politiciens, chers miliciens,
Vous m'avez manipulé ;
Chers fidèles, chers activistes,
Vous m'avez humilié ;
Chers ouailles, chers décideurs
Vous m'avez suicidé.









Juin 2007

Valérie Hart 


 
 


Dernière date de publication : lundi 7 avril 2008. Copyright (C) 2005-2007. Tous droits réservés.Contactez Valérie Hart à hartval@hotmail.com